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Gabin Tochon

« Philosophe environnemental à travers l’image », Roberto Palomino et l’engagement par la peinture.

Dernière mise à jour : 11 nov.

Roberto Palomino est un pionner de la peinture écologique en Colombie. Nous le retrouvons lors de sa dernière exposition autour de l’eau. L’objectif est de sensibiliser le spectateur, alors qu’un quart de la population colombienne ne bénéficie pas d’un accès suffisant à l’eau potable.


Ne lui dites pas qu'il est un peintre naturaliste comme un autre, au risque de l'offenser. Pour Roberto Palomino, un artiste écologique ne doit pas se limiter à la reproduction de paysages ; il doit créer, s’engager. « Pour moi, l’écologie ce n’est pas pour jouer avec la soupe. C’est pour pousser à la réflexion et dénoncer !» revendique-t-il. Depuis plus de 50 ans, c'est cette soif de transmettre à travers ses œuvres qui a fait de lui le pionnier de la peinture écologique non seulement en Colombie, mais dans toute l'Amérique du Sud.

C'est à la bibliothèque du district La Floresta que nous le retrouvons. En plus d'attirer les touristes de passage en raison de son parc fleuri, de ses restaurants variés servant des arepas (pain de maïs typiquement colombien) et de sa sécurité bienvenue, ce quartier de Medellin offre une vie culturelle étoffée, avec au centre sa bibliothèque. À l'intérieur, les événements sont gratuits et nombreux, allant de la séance de yoga aux cours de français.


Le "roi de la jungle" colombienne.

Dans une salle destinée à diverses expositions, des peintures attirent l'attention. L'eau est partout, sous toutes ses formes. Ici, un colibri dépose une goutte d'eau sur une feuille. Là, une famille se réfugie sur le toit de sa maison, emportée par le courant. Plus loin, un homme à la barbe légèrement hirsute, reconnaissable à son chapeau d'aventurier et à son tablier d'artiste, donne ses explications. Il s'agit de Roberto Palomino.


Des années qu’il avertit, à l’aide de ses pinceaux, sur notre rapport irresponsable aux écosystèmes qui nous entourent. Sa prise de conscience remonte à l’enfance. La famille de Roberto est proche d’un membre de la communauté indigène Muisca et c’est lui qui lui a transmis l’amour de la Madre Tierra. Il passe surtout ses étés et ses week-end dans la finca (ferme traditionnelle colombienne) de ses parents. Plongé dans ce décor naturel, il aime se réfugier dans les gorges alentours et se rêver en « roi de la jungle ».


Son frère Jorge l’initie à l’art. Roberto Palomino s’amuse à rappeler que dans la famille on construisait ses propres jouets. A sept ans il participe à son premier concours de peinture. On le considère trop jeune, ce qui l’indigne encore aujourd’hui. A cette âge il n’est visiblement pas permis d’exposer. Une décennie plus tard, on lui déconseille d’écrire une thèse sur la peinture écologique, tout simplement parce qu’il n’existe aucune source à ce sujet. A l’aube des années 1980, il ne serait pas possible d’être peintre écologique ?

Consacrée au Sommet de la Terre de Rio, avant tout « travailleur social ».

C’est pourtant cette voie qu’il embrasse. S’il affirme volontiers qu’il n’y avait pas de place pour l’écologie dans la société colombienne des années 1970, l’intérêt pour les œuvres environnementale augmente au fil des années. Titulaire d’un diplôme des Beaux-Arts de l’Universidad Nacional de Colombia en 1985, les entreprises sont plus nombreuses à lui commander des peintures à des fins lucratives. Il participe même à l’exposition de timbre PHILEX FRANCE à Paris en 1989. Trois ans plus tard, c’est de nouveau à travers la conception d’un timbre qu’il représente l’art écologique colombien au Sommet de la Terre de Rio. Cette collaboration sonne comme une consécration.


S’il ne fuit pas le succès, il veut avant tout transmettre. Déjà à cette époque, on le voit sensibiliser des enfants aux causes écologiques dans de vielles archives de la télévision colombienne. Si avec le temps on observe de la fatigue dans son regard, il conserve cette passion et cette tendance à peser chaque geste et chaque mot. Lui qui aurait pu dédier son temps à écouler ses toiles en galeries continue encore de donner des cours de peintures et à diffuser son savoir écologique. Il insiste : « Je suis avant tout un travailleur social. »


Ces dernières années, il a continué à œuvrer à travers la Fundacion Palomino, qu’il a créé en 2018, et en tant que conseiller culturel de Medellin à l’éducation environnementale. C’est tout l’objectif de sa dernière exposition centrée sur l’eau. A la bibliothèque de La Floresta, les trente toiles de Palomino entourent la pièce. Le spectateur est complètement immergé dans cet univers aquatique.

A la recherche d’une « culture de l’eau ».

Lors de ses visites guidées, le peintre analyse ses œuvres en ne manquant pas de sensibiliser pour participer à l’avènement d’une « culture de l’eau » qu’il appelle de ses voeux. Bien qu’il déplore l’égoïsme ambiant, il appelle à la responsabilisation de chacun pour mettre fin à la mauvaise gestion de l’eau. Si la Colombie est riche en ressource hydrique, le quart de sa population ne bénéficie pas d’un accès suffisant à l’eau potable.


Les dernières peintures de l’exposition invitent à avoir un rapport beaucoup plus spirituelle avec l’eau et l’environnement dans son ensemble. « J’aime me considérer comme un philosophe environnemental à travers l’image » nous glisse-t-il. Ce dernier rappelle que si pour la majorité des citadins, la pluie est une épreuve et un danger, le paysan la voit comme une bénédiction. Accompagner par le support visuel des peintures, les visiteurs qui avouent leurs méconnaissances sur les sujets environnementaux, disent alors les comprendre davantage.


A la fin de la visite, on ne manque pas de le remercier en lui offrant des gâteaux. Les premiers signes d’une averse s’annoncent au même moment. Les forces du ciel semblent à leur tour remercier l’artiste.

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